Seule Rhaetar était visible dans cette nuit sans étoiles. Les lueurs des lanternes éclairaient faiblement le pavé des ruelles étroites. Dans cet endroit de la Cité, les truands étaient bien nombreux, guettant de loin, tels des ombres, leurs prochaines victimes. Quelques hommes, visiblement ivres, chantaient à en perdre la voix des hymnes d'autrefois et des chansons populaires. De l'autre côté, des filles de petite vertu pouffaient en attirant de leurs regards ceux qui le voulaient bien. Et à travers ce brouhaha marchait Dernier Souffle d'un pas allongé. Son épée toujours au dos, camouflé de bas en haut, il était prêt à faire ce qu'il devait faire. Sa cible, cette fois, était un agitateur politique, vu la dernière fois dans les parages. La tâche était simple; trouver la proie, et l'éliminer. Selon ses informations, il devrait se trouver à proximité d'une taverne... et bien entouré. Il se dirigea vers ladite taverne, ayant pour simple projet, de soûler le bonhomme et de l'éloigner le plus loin possible de la foule, et surtout de ses gardes du corps.

Alors qu'il était sur le seuil du porte de la taverne, un homme le bouscula, sans s'en rendre lui même compte, il semblait. Dernier Souffle y était habitué, à cette heure, les buveurs étaient parfois déjà au sol. Ce qui l'intrigua, c'était son visage, qui lui était familier... C'était l'homme de l'affiche! Il se retourna, observant la façon dont il marchait. Il n'était pas si ivre que ça. Il avait vu bien pire... Lui-même avait été dans des états encore plus étranges... Ça lui apprendrait à parier avec des nains. Le mercenaire prit le soin de balayer ses arrières du regard, mais nul garde ne l'accompagnait. Il s'aventurait tout seul dans les bas quartiers, lui, un agitateur politique? C'était une grave erreur. La mauvaise nouvelle, c'était que ses hommes ou compagnons allaient peut-être se mettre en quête de le retrouver, d'une minute à l'autre. Verser plus de sang ne le dérangeait pas... Mais la tâche pourrait se montrer délicate.

Dernier Souffle se mit à le suivre de loin, avant que l'homme ne s'arrête, pressé par ses besoins naturels. Il se mit alors à chanter, d'une voix qui le fit grimacer. En fait, il retirait ce qu'il avait bien pu penser; il était bel et bien "si ivre que ça". Sans perdre de temps, le mercenaire se leva, et sortit un poignard de son manteau. Il se dirigeait silencieusement vers sa cible, caressant la lame de son calme olympien. Il s'arrêta soudainement lorsqu'il fut à portée suffisante de l'homme. Alors, sans autre forme de procès, il entreprit de glisser la lame sous son cou...

Lancé de dé sur assassinat:

Le bougre! Il s'échappait! L'incube se lança aussitôt à sa poursuite, rangeant Tranche-tête dans son fourreau pour ne pas que celle-ci ne la gêne. Ah, malédiction! Lui qui avait voulu que la chose se passe discrètement... Enfin, cela était compréhensible ; il n'était pas un assassin après tout. C'était un mercenaire. Rien ne se passait jamais comme il le prévoyait, et encore moins sans un minimum de grabuge. La taverne fut bien assez vite alertée. Les cris de l'homme ivre poussa certaines têtes à dépasser du seuil de la porte. Les regards d'abord curieux changèrent radicalement à la vue de cet homme masqué à la gigantesque épée qui poursuivait l'ivrogne. Une autre histoire insolite qui allait faire sourire les clients de la taverne et faire se pâmer le dames de la haute. Dans son élan, le mercenaire s'empara d'un poignard qui ornait sa ceinture et le lança en direction de sa cible, qui se rapprochait peu à peu de la lumière et de la chaleur de l'établissement. Celui-ci se planterait dans la porte de la taverne s'il manquait, entre le coeur de l'homme et son épaule s'il touchait. La tâche faite, il aurait au moins la conviction d'avoir réussi le contrat.

L'homme s'effondra enfin, juste avant de franchir le seuil de la porte. Rapide et précis, le poignard l'avait atteint exactement au bon endroit. Il ne perdait visiblement pas de technique, malgré son grand âge! Mais là n'était pas le moment de se reposer sur ses lauriers... L'homme, dans son dernier souffle, avait donné l'alerte, misant 70 Sven sur sa tête. Des Sven qui s'ajoutaient à sa prime.. Encore et encore. Il ne s'attarda pas, ayant tout juste le temps de retirer le poignard de la plaie de sa cible pour s'enfuir, courant aussi vite qu'il le pût. En effet, il n'avait aucune envie d'affronter ses hommes. Il ne regarda pas derrière lui pour regarder si on le poursuivait, mais il jura qu'il avait senti des regards effarés, en plus d'un cri que venait de pousser une femme. Il bifurqua à droite, dans une autre ruelle, se débarassant du bandeau qui lui cachait le visage. Il étouffait... et se cacher ne servait plus vraiment à rien. Il se dirigeait vers l'endroit du rendez-vous, une allée bien remplie qui séparait les bas quartiers du reste de la Cité. Le mercenaire s'assit à une table d'une auberge, essouflé. Il commanda alors une grande choppe de bière et attendit patiemment le commanditaire.

que faites-vous:

25 Svens? Mais c'était une blague! Qui pourrait bien accepter une telle offre, pour si peu? Il attrapa paisiblement sa choppe de bière, qu'il but par petite gorgée. Son regard bleu balaya l'assemblée, désormais silencieuse. Sérieusement? Des gens considéraient tout de même cette offre..? Conscient d'être tout sauf discret, il se leva de table, finissant sa choppe, et se dirigea calmement vers l'homme qui venait de rentrer dans la taverne. Le mercenaire s'arrêta, devant lui, pour le regarder droit dans les yeux.

" Si jamais il vous arrivait, cher monsieur, de trouver cet homme. Il se pourrait bien que vous finissiez dans le même état que celui de votre employeur. C'est clair, ou vous préférez que je vous le fasse comprendre de force? "

Il le regardait de haut, une main se promenant déjà sur la garde de son épée qui était attaché à son dos. Décidément... Ses problèmes n'étaient pas encore finis. Et son commanditaire n'était toujours pas présent. Soit. Il essaierait de régler l'affaire avant son arrivée.

Son intervention avait provoqué l'effet voulu. Dernier Souffle leva les yeux au ciel, bien que soulagé. Il n'aurait pas à brandir son épée, ou causer le moindre raffut supplémentaire. Il se retourna alors, balayant la pièce du regard, notamment les petits curieux qui le dévisageaient encore. Immobile quelques instants, il semblait hésiter, tout comme eux à vrai dire. Quelques instants plus tard, il se dirigea de nouveau vers la même table, attendant patiemment le commanditaire... Il espérait qu'une autre personne n'allait pas surgir de nulle part pour mettre un prix sur sa tête... Alors un autre homme entra dans la taverne, s'asseyant à sa table. Le mercenaire s'empara alors de la bourse et du cocktail, l'écoutant d'une oreille distraite. Sa conscience se réveilla quand son interlocuteur prononça la dernière phrase.

" En tant que mercenaire, les idéaux de la Confrérie ne me profiteraient pas vraiment si jamais elle viendrait définitivement au pouvoir. "